François XAVIER


Poésie

Textes courts / Nouvelles

Articles / Essais


Forum

Hommage

Actualités

de notre temps


Actualités culturelles

Découvertes


Revue de presse !

Liens indispensables

Rions un peu ...

Bibliographie


Ecrire



Dialogue entre les civilisations à travers la poésie


Aujourd’hui premier avril 2001 nous nous retrouvons dans ce lieu chargé d’histoire pour évoquer une idée - un concept comme l’on dit dans les milieux autorisés - de dialogue entre les civilisations à travers la poésie.
Diable ! me suis-je dis en découvrant l’ampleur de la tâche, voilà bien un défi à la hauteur du siècle nouveau.
Et quel bonheur de voir le nom des Nations Unies associé à autre chose que ces sempiternelles résolutions du Conseil de Sécurité qui n’ont de rapport, elles, qu’avec la guerre et donc aux antipodes du dialogue.
Que ce ne soit ni l’Unesco, ni l’Unicef, ni l’Unwra, ni aucun autre organisme qui soit à l’origine de cette manifestation mais bien les Nations Unies, vous savez cet imposant paquebot de verre échoué sur l’East River à New-York, cela pourrait nous laisser penser que quelque chose bouge enfin, que le « machin » n’est pas mort.

Nous sommes donc ici pour évoquer la différence dans ce qu’elle a d’indispensable à notre survie. C’est parce que nous sommes différents les uns des autres que nous sommes. C’est parce que nous sommes différents les uns des autres que nous nous observons, que nous nous parlons, que nous nous aimons. Et c’est aussi parce que nous sommes différents les uns des autres que parfois nous nous haïssons.
Pour apprendre à nous connaître, à nous respecter, à nous voir finalement, il n’y a que le dialogue, cet échange verbal qui ouvre les yeux et le cœur des hommes pour celui qui prend le temps d’aller vers l’autre. Que de disputes, de brouilles, de conflits auraient pu être évitées par quelques mots échangés.
Gageons que l’avenir, par la grâce des moyens techniques mis à notre disposition, s’oriente vers une société d’échanges et de dialogues, pas seulement économiques mais culturels. C’est bien la culture qui évoque l’autre, c’est la culture qui montre l’autre, et c’est à travers elle que nous parviendrons à communiquer. La culture est la langue universelle, l’esperanto des cœurs purs.

Aujourd’hui, dans 99 autres villes de par le monde, se tiennent des manifestations similaires à celle-ci. Il convient de s’imprégner de cette idée tout au long de cette lecture. Il convient de penser, toujours, qu’au même instant, 99 autres villes vivent, respirent, éprouvent, ressentent, des émotions similaires aux nôtres et s’associent à notre volonté commune d’aboutir. J’ai personnellement une pensée émue pour mon ami Salah Stétié, immense poète libanais d’expression française, qui est actuellement à Amman, en Jordanie, invité pour quelques jours par l’ambassade de France pour célébrer le Printemps des poètes. Par sa présence il contribue, comme nous, à offrir aux jordaniens la possibilité d’ouvrir une porte sur le monde à travers la magie luxuriante de ses vers. Dans trois jours il s’envolera pour Bagdad. Oui Bagdad, en Irak, ce pays oublié, honnis par la communauté internationale sous prétexte qu’un fou est à la tête de l’état. Quid du peuple ? Rien ! Nada ! Les américains et les anglais effectuent des raids aériens tous les jours mais tout le monde s’en fou.

Alors qui d’autre qu’un poète pour briser l’embargo ?
Qui d’autre qu’un troubadour pour apporter un peu de joie dans les yeux des enfants qui meurent de malnutrition et de manque de médicaments ?
Quel langage tenir à ces gens ?
Devant notre honte il n’y a que le verbe pour nous sauver. Loin de moi tout rapport à la religion, si je parle du verbe c’est le mot conjugué que j’évoque, le vers emporté par la musique de la langue, c’est lui, et lui seul qui peut soulager un court instant en ouvrant les voies du paradis à celui qui écoute.
Le chant du poète est universel, sa musique délivre, outre le message contenu dans le texte, une sorte d’apesanteur de l’esprit qui enivre le sujet. C’est un peu cela la poésie, c’est magique …
Et c’est parce que c’est magique qu’Abû-Nuwâs, le plus grand poète arabe – irakien, tiens quel curieux hasard, non ? ; mort vers les années 815, contemporain de Charlemagne donc - ; oui, c’est parce que la poésie, sa poésie, est magique qu’il a été interdit par une fatwa prononcée par ces fous furieux de l’université islamique du Caire, ces mêmes imbéciles qui ont poussés un jeune étudiant à poignarder Naguib Mahfouz, prix Nobel de littérature il y a quelques années dans une ruelle du Caire. Pensez donc, Abû-Nuwâs parle de vin, de vent, de la vie, des femmes, de l’eau … que de choses viles qu’il faut interdire !
Où est le dialogue ? Absent, comme pour mieux se relever, ailleurs, dans un autre recoin de l’humanité, tapis sous un rocher, derrière un arbre ; le dialogue se tait parfois mais jamais il n’abdique, lui. Prenons-en exemple. Permettez-moi de vous donner lecture de quelques passages issus du recueil
« DE L'ORIENT A L'AMOUR », trois poèmes qui, chacun dans leur rôle, stigmatisent cette indispensable différence qui nourrit nos vies :

1)
« Tu es à jamais voyageur, de même que tu ne peux t'établir nulle part,
nous dit Ibn 'Arabi, car tu participes au voyage universel,
et le mouvement dans ce monde est continuel et infini.
Par la clarté du jour naissant tu vas vers l'étape suivante.

D'une mosquée à une cathédrale le temps n'est rien,
il te fait te hâter et oublier jusqu'à renier ta guerre,
mais si Gabriel s'est battu, à lui les honneurs, à nous la mort,
c'est que le dernier voyage ne sera que le commencement d'un autre périple.

Une route et deux destinations : l'une par la terre, l'autre par la mer,
de ce voyage à l'origine du mouvement naît l'existence,
fille du néant qui va vers l'avant au levant de la vie.

A chaque minute souffle la pensée vers l'éveil des regards,
sans aucun doute l'homme est doué d'intelligence,
mais pourquoi donc ne s'en sert-il pas ? »

2)
« De la terre d'Orient, majestueuse beauté, du sable éternel
est née la femme que j'aime et qui m'aime.
De cette terre des contrastes issue de la nuit du destin,
une âme nouvelle, et pure, et belle, est descendue du ciel

pour réconcilier tous les hommes dans le respect de la tradition :
en une seule fois jusqu'au ciel le plus proche. Ainsi sont transmis
le savoir des anciens, l'attente des enfants que les anges accordent
aux braves qui ont gagné leur rédemption sur le champ de bataille.

Le serviteur du Très Haut nous a inspiré sa prévarication,
et nous Le louons pour gagner son estime et sa piété.
De ton courage je me nourris pour brandir

fièrement le sceptre de la justice au nom du pardon.
Car mon cœur saigne de tous ces hommes
qui se perdent dans le miroir sans tain des imposteurs.»

3)
« Du cèdre de Bécharré, austère et solitaire, tu as la détermination,
des genêts sauvages du Chouf tu incarnes les couleurs vives,
de la source d'Adonis jaillissant de la grotte d'Afqa tu as la force
et le caractère tantôt vert et cristallin ou sanguin et violent.

Mais personne ne se préoccupait de mon cœur perdu
parmi les méandres des forêts inhumaines de béton armé,
sous les reflets amers du soleil insolent et moqueur qui ne me laisse que ton ombre porter sur mes illusions perdues.

C'est alors que tu es partie du sanctuaire d'Allah,
couronnée d'images de cimes enneigées, de vallées étroites et de mer,
et j'ai senti l'odeur des résines et de l'encens, de l'ambre et du musc,
recouvré l'écorce noire aperçue dans le bois sacré
sur tes cuisses frôlées, les veines résinifères aux fibres courtes,
et senti ce grain si fin, tendre et précieux, et alors je t'ai aimé. »


Je crois qu’il ne faut pas toujours chercher un sens aux choses ; il faut se laisser porter par la musique et les images qu’elles renvoient. N’oubliez pas que les poèmes étaient à l’origine conçus pour être lus à la criée, c’est un art oral avant tout.
De cette oralité sont nés bien des chefs d’œuvre perdus à tout jamais dans l’éther du silence hypocrite qui cloisonne nos existences. Pour un Abû-Nuwâs que l’on peut lire combien de poètes ignorés, combien de conteurs qui ont fait les beaux jours des jardins de Grenade au temps où Avérroès illuminait de son savoir et de sa sagesse les côtes de la Méditerrannée …
En hommage à tous hommes, à cette terre fertile en poète, j’ai écris « Le berceau de Phénicie » dont voici un extrait :

« Des jardins jadis fleuris de mille essences
Ont porté au firmament du temps
La mémoire de la terre de Phénicie
Porté ce souvenir ultime
Aux songes des hommes de la nuit
Au-delà de la profanation des guerres.

Tu es née de glaise et de pourpre
Sous la lune rousse, épouse des dieux
Tu es née de grâce dans le ciel épure et froid
D'une terre unique, fruit des odes purificatrices
Tu es née dans le berceau des mondes
Terre de Phénicie souveraine et fière.

De grâce esseulée la terre et l'oubli et le fer
Ont transmis à tes frères les images du feu
Miroirs des hommes seuls noyés sous les flots
Médiatiques, victimes des conjonctures boursières
Des secrets bancaires et des trafics d'adultères
Au nom sali de cette terre sacrée et oubliée.

Légendes de papiers imprimées par la volonté
Des hommes de la foi au nom du droit au savoir
Savoir de quel droit l'arbitraire justifie l'innommable
Caché derrière le sanctuaire des textes sacrés
Qui immunisent l'assassin des colères humaines.
Et les jardins et les images et les songes oubliés
Meurtris du sang de la terre outragée
Cette terre à fruits qui ne donnent plus
Que des fruits de plomb, des fruits de mort
Où se cache la terre de Phénicie aujourd'hui ?

Jadis l'émir œuvrait pour l'essor des vergers
Dans l'ombre de Beit ed-Dine le sanctuaire
Où les bassins de mosaïques abritaient le savoir
Les bibliothèques de cèdres présentaient livres et manuscrits
Les salons damassés s'ouvraient comme autant de tribunes
Aux philosophes aux savants aux chanteurs aux danseurs
Tous d'un même élan cultivaient l'essence de l'homme
A l'abri des inquisiteurs de la nuit.

L'eau pâle gardée des hommes
Veillait en son berceau de nacre
Sur l'autel des injonctions face à la clarté
Des nuits étoilées lorsqu'un prince
Succomba au charme épicé du ravage de la soie
Et t'enleva aux tiens, t'arracha à la terre de Sion.

Mille fois terrassée, mille fois souillée, l'eau pâle
Garda l'immaculée pureté des fonds marins
Son goût d'algue et sa rosacée d'épiderme
Offerte au gourmet, élu des rois du désert
Porteur de la missive de paix pour enfin tuer
L'imposteur et offrir de recouvrer à tous la chaleur
Des étés de Samarie et la douceur des hivers de Judée. »

Phénicie, Mésopotamie … que de noms qui n’évoquent plus rien de concret à nos yeux aujourd’hui mis à part Beyrouth, jusqu’à un certain jour de 1975 où une étincelle mit le feu aux poudres. 18 communautés qui y vivaient depuis toujours, pourrait-on dire, dans une synergie, un respect, une osmose ont implosé comme par réflexe, comme si une main providentielle, la main du Diable, aurait pousser ce creuset de l’humanité vers la nuit. N’oubliez jamais que la main qui gouverne le monde est la main qui tient le berceau. Et le couffin du monde est justement là, devant nous, dans ce Proche Orient qui s’embrase un peu plus chaque jour au nom d’idéaux surannés.

Je vais vous lire un extrait d’un long poème dédié à Beyrouth en 74 tableaux et 12 photos, à ce jour inédit. Beyrouth le sphinx d’Orient qui renaît actuellement de ses 15 années d’obscurantisme et de guerres fratricides. Le Liban est de nouveau terre d’accueil et je vous invite vivement à vous y rendre sur les traces de Lamartine pour découvrir Byblos, Baalbeck, Saïda, Tyr, la Qaddicha, la source d’Adonis, le Chouff, Andjar et mille autres trésors qui depuis plus de quatre mille ans ont marqué la terre de Phénicie du seau immuable et indélébile des cultures.

« Et le feu tomba du ciel
Déferlante d’étoiles et de fumée noire
Sur les berges de la vie
Tomba du ciel la fumée noire
Masque de honte et tueuse d’étoiles
Annihilant ainsi l’idée de l’autre
Frappé, brisé, vaincu et humilié
La perversion de la force enchaînée
Par l’esprit unique de l’arbitraire.

Beyrouth pleura
Premières victimes expiatoires des autodafés
Martyrs de la splendeur
Portant flambeaux et étendards
Une larme puis des torrents de pleurs
Pour une vie sans âme
Plongée sous l’effroi.

Beyrouth s’abandonna
A la douleur initiale, au plaisir solitaire.
Du chaos naquirent la haine et l’amour
Et la forteresse du savoir et du plaisir
Devint matière morte où les vagues du désir
Explosaient en crêtes de fureur et de jouissance.

Beyrouth résista
Devenue de fait de l’échec et du temps
L’abri silencieux, la tombe hurlante
D’une victoire esseulée laissée à l’agonie
Sépulture monumentale du plaisir et du savoir
Où la vie sans âme
Rampait d’abris en décombres
De ruines en abris comme une pendule
Marquant le ton à deux temps.

Beyrouth plia
L’échine du perdant sous la horde déchaînée
De cet occupant cupide et fielleux
Battant les murailles de cette forteresse jalousée
Pour venir éteindre plaisir et savoir
Au nom d’un seul idéal, pur et puissant.

Beyrouth hurla
L’agonie de ses enfants mères
Tueurs de rien pour quelques piécettes
Frères et pères, monstres et héros
Dans ce bain de sang bouillonnant
Où le père tua le fils
Dans l’éclair du pouvoir désiré.

Beyrouth cria
La morne livrée des ruines éventrées
Saignées d’avenues, cibles ouvertes
Où l’homme tue l’homme par jeu
Dans un soupir de lune
Ce blanc de foll préservé des souillures
De la poudre et du canon.

Beyrouth se déshabilla
Dans l’étincelle d’une chute libre.
Elle s’offrit au regard concupiscent de ses bourreaux
Libre et seule et fille, elle fût nue.
Sa gorge chaude et claire à la lumière
De l’étincelle, soupir de vie aux portes du rien.

Beyrouth ploya
Ses bras métalliques fondus de honte et de pluie
Poutrelles, linteaux d’acier et de béton projetés
Ces rameaux magnifiques pliés sous les feux car
La fille était nue, fragile et libertine, arrogante aussi.

Beyrouth s’humilia
Ses deux lunes posées sur la crête du cratère
Ils l’honorèrent tous de mille manières
Tous souillèrent la chaux de ses cuisses vives
Tous griffèrent le jardin de son ventre fleuri
Tous déchirèrent le rideau du ciel rougi
Pulsion de chair pour une ville lumière
Pour y planter l’oripeau manichéen des justes.

Beyrouth vola
L’âme de son âme
Pactisa avec le diable à six têtes
Serment de fiel sur le corps de ses enfants
Pour une solution finale non encore achevée
Puisque les racines de l’impossible
S’enfoncent dans l’inutile.
Modeler ainsi dans la glaise d’Orient
Les corps de nouveaux feddayin
Est une faveur exquise offerte au très pur
Mais trahir le sang des braves pour briller solitaire
Voguer sur la brume vers le bon droit des humeurs
Précipita le sphinx dans les abysses solaires
A jamais la mémoire de suie collera ses empreintes
Aux pas du jeune cèdre, martelant l’image souillée
D’une main tendue, mordue au sang, vidée d’elle-même.

Beyrouth se parjura
Dans le sang des innocents
Femmes, enfants et vieillards
Quartiers de viandes anonymes
Salaire de la peur
Pour exorciser sa propre peur.

Beyrouth chassa
L’opprobre de ses muscles en vidant ses veines
Pour accoucher d’un mirage un soir sans lune
De nouveau la perte de la chair de sa chair
Renvoyer sur le bateau de la honte
Vivre ailleurs son destin d’apatride.

Beyrouth refusa l’immonde et pleura
Pliée sous le couteau du fasciste assassin
Celui qui coupe les seins des femmes
Les mains des enfants
Pleura la mer
Pleura la terre
Pleura le vent
Cri d’agonie pur et limpide qui résonna
Parmi les avenues bordées de pins
Où coule le fleuve du sang versé
Et brille le coutelas qui égorge et mutile
Et hurle la fille violée
La mère étripée
La vieille dépecée
Et regarde l’homme moderne, l’élu de l’azur
Le conquérant fier et distant
Ce carnage n’est pas le sien
Ces arabes ne sont pas d’ici, ne sont pas des hommes
Fruits d’une terre effacée, fils de la poussière
Enfin libérés de leurs tourments
Ils retournent à la poussière ...
L’horloge du temps s’est arrêtée sur Beyrouth
Et Beyrouth pleura Sabra
Pleura Chatila
Pleura
Pleura les larmes des innocents
Ces absents de l’histoire.

Beyrouth rajusta
Sa robe grise, son voile terne
Pour se draper d’habits neufs multicolores
Lumière du jour, lumières de la nuit
Brillent toujours, témoins muets de l’infini
Gardiens du sommeil de la Bête.
Beyrouth creusa
De nouveaux chapitres au fond des ruines
Pour peindre derechef la chaux masque
Des murs craquelés, des toits brisés
Des fenêtres éventrées, des portes fracassées
Enfoncer très loin les stigmates du feu et du plomb
Ne plus offrir de prise à l’hameçon du souvenir
Mais briller de mille éclats illusoires, et tant pis
Si rayonner sous les étoiles brutes des tapis verts
Au son des jetons et des billets froissés
Trouble le sommeil éternel des gardiens de la révolution.

Beyrouth chanta
Sur les terrasses vertigineuses
Des tribuns fanatiques la mélodie des urnes
Pour conserver l’illusions démocratique
Aujourd’hui palais de miel aux reflets d’or
Parce qu’un enfant sera toujours un enfant.
Beyrouth vivra
Pour la lyre cristalline de sa voix
Qui enchante le destin
Pour que le soleil, enfin
Ouvre ses bras sur les terres du Liban
Et fertilise cette glaise unique et pure
Terre de tout un peuple …


quelques mots de Salah Stétié
La Méditerranée est un immense champ philosophique où il y a une ouverture et une acceptation active de l’autre, il y a donc une possible naissance de dialogue ; c’est ici que je souhaite situer le problème de l’échange, de ces échanges institués tout au long d’une très longue histoire entre les rives de la Méditerranée et de ses peuples depuis que les Phéniciens, nos lointains ancêtres, établirent un peu partout comptoirs pacifiques et colonies marchandes.
Pour finir sur un ton optimiste malgré l’actualité régionale qui nous montre une dégradation du climat politique je reprends ces quelques mots de Salah Stétié sur l’idéologie de la Méditerranée, de l’Orient, sur la pensé qui devrait nous habiter :
« L’axiome célèbre : « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », est l’une des hautes leçons de l’Evangile et c’est l’axiome que la Méditerranée a toujours opposé à toutes les démesures et à toutes les hybris de l’homme et de l’Histoire : « Il faut savoir raison garder. » Certes , c’est l’acte d’une raison, dans l’éclat même de son évidence, qui nous impose d’être du parti de la justice, et bien des dits célèbres seraient à rappeler ici. « Tous les hommes sont égaux entre eux comme les dents du peigne du tisserand » ; « Pas de différence entre le Blanc et le Noir, entre l’Arabe et le non Arabe si ce n’est leur degré de la crainte de Dieu », affirment deux hâdits – ou propos – mohammadiens souvent cités. Et le Talmud, de son côté : « Pourquoi Dieu n’a-t-il formé qu’un seul homme, lors de la Création ? C’est dans l’intérêt de la concorde, pour qu’aucun homme ne puisse dire à un autre : je suis de plus noble race que toi ». Mais, au-delà de l’équilibre ainsi souhaité il y a (et c’est aussi l’une des grandes leçons de la Méditerranée) que pour dominer définitivement la barbarie originelle il faut l’acte de ce don le plus grand qu’un homme puisse faire et qui est, on l’aura compris, l’amour.
Plus que jamais, nous exigeons, à partir de tout ce que la Méditerranée nous a enseigné au fil des temps, que l’homme se définisse enfin par sa force d’âme, sa virtus, par sa capacité d’adaptation à autrui et d’intégration d’autrui, par cette balance exacte en lui de cela qui est goût de la justice et de cela qui est goût, violent, de la liberté. »