Badr Chaker es-Sayyâb est né en 1926, à Djaykoûr, village situé au sud de l'Iraq, et traversé par Buwayb, petite rivière qui, par la grâce de Sayyâb, deviendra fleuve : fleuve en poésie.
A l'âge de six ans, il perd sa mère ; et son père s'étant remarié, il sera pris en charge par son grand-père âternel.
Ce sera pour le poète un premier choc, dont il ne se remettra jamais et le début d'une démarche nostalgique qui l'accompagnera au long de sa vie, vie dense - quoique tragiquement brève.
Démarche hantée par le désir, âprement et constamment exprimé, du retour au sein matrenel, s'orientant tantôt vers la figure de la mère réelle, tantôt vers Djaykoûr, son village, qu'il érigera en origine, en nature-mère, en lieu essentiel d'où tout part et vers quoi tout s'en retourne, et dont il dira à la fin de sa vie, la mort l'assiégeant :
"Elle est ma mère, si je lui venais même infirme / baisant ses fleurs / et l'eau en elle, et la terre
"
Kadhim Jihad
Badr Chaker es-Sayyâb est un poète d'avant la poésie, je veux dire d'avant que la poésie fût un art, que Badr Chaker es-Sayyâb, qui n'en est pas moins, au demeurant, l'un des plus grands artistes de la langue. (
) Il est principalement le formulateur d'une mémoire, mais poète d'avant la poésie, il est également le chantre d'une avant-mémoire. Avant que l'art ne fût l'art, avant que le poème ne fût la poésie, - il y a avait quoi ? Il y avait, croyons-nous, la boue et l'argile des origines, et sans doute vaudrait-il mieux parler de l'Origine, aux rives du limoneux marécage des premiers jours ; il y avait (il y a toujours) l'Euphrate dont on ne saurait dire s'il prend sa source dans l'espace ou dans un livre, l'Euphrate et les terribles astres de son ciel, si mystérieusement fraternels toutefois.
Salah Stétié