François XAVIER



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DE L'ORIENT A L'AMOUR



De la terre d'Orient, majestueuse beauté, du sable éternel
est née la femme que j'aime et qui m'aime.
De cette terre des contrastes issue de la nuit du destin,
une âme nouvelle, et pure, et belle, est descendue du ciel


pour réconcilier tous les hommes dans le respect de la tradition :
en une seule fois jusqu'au ciel le plus proche. Ainsi sont transmis
le savoir des anciens, l'attente des enfants que les anges accordent
aux braves qui ont gagné leur rédemption sur le champ de bataille.


Le serviteur du Très Haut nous a inspiré sa prévarication,
et nous Le louons pour gagner son estime et sa piété.
De ton courage je me nourris pour brandir


fièrement le sceptre de la justice au nom du pardon.
Car mon cœur saigne de tous ces hommes
qui se perdent dans le miroir sans tain des imposteurs.

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Du cèdre de Bécharré, austère et solitaire, tu as la détermination,
des genêts sauvages du Chouf tu incarnes les couleurs vives,
de la source d'Adonis jaillissant de la grotte d'Afqa tu as la force
et le caractère tantôt vert et cristallin ou sanguin et violent.


Mais personne ne se préoccupait de mon cœur perdu
parmi les méandres des forêts inhumaines de béton armé,
sous les reflets amers du soleil insolent et moqueur
qui ne me laisse que ton ombre porter sur mes illusions perdues.


C'est alors que tu es partie du sanctuaire d'Allah,
couronnée d'images de cimes enneigées, de vallées étroites et de mer,
et j'ai senti l'odeur des résines et de l'encens, de l'ambre et du musc,


recouvré l'écorce noire aperçue dans le bois sacré
sur tes cuisses frôlées, les veines résinifères aux fibres courtes,
et senti ce grain si fin, tendre et précieux, et alors je t'ai aimé.

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Ô malheurs de la destinée lorsque le ciel se fâcha,
adieu cedrus libani, disparu l'or du pays martyr,
et la terre des souvenirs à jamais meurtrie
n'a plus que la mémoire comme arme face au dénuement.


Ô malheurs de ces temps où la forêt de Bécharré,
insolente et austère, dominait les vallées de ses pics verts ;
ô tristesse que ces larmes versées sur Wadi Kadisha,
ce lit résineux qui galbait le relief jusqu'à la Méditerranée.


Ce bois précieux, parfumé, palpite encore en nous de tant d'effroi,
ces graines rousses, triangulaires et tendres brillent à la lumière
et rappellent les fruits globuleux aux écailles fines et pourpres, dressés, lisses, vers le ciel.


Nos regrets s'éloignent par étages en branches puissantes,
soufflées par le vent à travers les aiguilles rigides et piquantes
qui cachent les fleurs, ces chatons vert de gris, nobles héritiers

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Tu es à jamais voyageur, de même que tu ne peux t'établir nulle part,
nous dit Ibn 'Arabi, car tu participes au voyage universel,
et le mouvement dans ce monde est continuel et infini.
Par la clarté du jour naissant tu vas vers l'étape suivante.


D'une mosquée à une cathédrale le temps n'est rien,
il te fait te hâter et oublier jusqu'à renier ta guerre,
mais si Gabriel s'est battu, à lui les honneurs, à nous la mort,
c'est que le dernier voyage ne sera que le commencement d'un autre périple.


Une route et deux destinations : l'une par la terre, l'autre par la mer,
de ce voyage à l'origine du mouvement nait l'existence,
fille du néant qui va vers l'avant au levant de la vie.


A chaque minute souffle la pensée vers l'éveil des regards,
sans aucun doute l'homme est doué d'intelligence,
mais pourquoi donc ne s'en sert-il pas ?

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Te souviens-tu ces ruelles escarpées, ces allées bordées d'eucalyptus,
notre visite à Deir el-Qamar, le couvent de la lune et des lauriers roses ?
Te souviens-tu du chapeau de verre, du bassin bleu
de la mosquée Taylân de Tripoli, de Tripolis, de Trablous ?


Te remémores-tu ces boiseries, ces tentures, ces mosaïques,
tous ces motifs de stuc, ces dentelles de pierres, ces diwans
où le velours cramoisi des coussins couvre le sol et invite
le visiteur à venir se perdre dans les douceurs de Beit-Eddine ?


Te souviens-tu de Tyr, de Sour, de Tsor, la maîtresse des mers,
cette ville phénix à l'image de ton pays, multiple, meurtri,
mais si fier qu'il renaît toujours plus beau de ses désastres ?


Mais n'es-tu pas, toi aussi, ce basilic, ce romarin, ce thym sauvage,
cette indomptable levantine initiée aux préceptes des trois lois
pour qu'aucune ou toutes n'offrent que l'amour au lieu de la mort ?

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Tu as débarqué de l'Orient avec ses histoires sanglantes,
ses maisons pauvres et ses palais des mille et une nuits
qui, même si les dieux oublièrent soudain cette terre,
ont prouvé que la vie naît et meurt de la glèbe du Levant.


Tu es un pur-sang à la robe de sable blanc,
ta bouche a le goût de la menthe, amour, coquelicot de boue,
tes bras rameaux en éventail déployés,
éloignent les pleurs et les chagrins de notre enfance meurtrie.


Fille, tu a préservé ton âme de pureté
et tes pieds fragiles usés de trop de marches
et ta bouche qui ne connut pas toujours sa faim.


Tu es du noble Sud, mais aussi du Nord, fier et arrogant,
et ton ciel est bleu de la Bekaa où nos pères rient de nos jeux
et veillent sur nos têtes. Femme je t'ai choisie.

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Amour, habib'ti, à la colonne des cieux les lamentations
montèrent tels de profonds soupirs d'amertume,
et ce concert d'espoirs et de prières perdus fût anéanti
par le feu du lion : alors la mer et le soleil s'exilèrent ensemble.


Abandonné, le Liban se révolta au nom des cèdres profanés,
la clef de la ville martyre fût défendue par l'alliance des ennemis d'hier,
les éclairs déchirèrent le ciel et les entrailles de la cité
mais l'Orient sut jaillir de ses cendres pour affronter la nuit.


Car il n'est au pays du cèdre que lumière et joie,
il n'est ici qu'un eden accessible aux hommes par les vertus de la mer
pour s'y adonner à l'étude des secrets du vent.


Et parmi tous ces cris, ces chants, cette foule, englouties
nos âmes se retrouvèrent, elles se reconnurent enfin, et après
un nouveau pas de deux, puis rien puis tout, nous avons repeint la vie.


à suivre ...


... et à découvrir sous d'autres formes dans LE CAHIER INTERDIT à l'adresse suivante :

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Prix Théophile Gautier de l'Académie française 1999
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