François XAVIER


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AINSI donc l'instruction du procès de M. Abdullah Öcalan, enfermé dans une prison de haute sécurité, sur l'île d'Imrali, dans la mer de Marmara, a commencé. La rapidité de la procédure n'augure rien de bon.
En enlevant sur le sol kenyan, de manière totalement illégale et en violation de toutes les lois internationales - avec l'aide des Etats-Unis et d'Israël ? -, le dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l'état-major turc veut porter un coup rapide et fatal à une organisation qui, depuis une quinzaine d'années, mène la lutte armée dans le sud-est du pays.

Il espère ainsi mettre un terme à un conflit, qui a fait 30 000 morts, englouti une partie importante des recettes de l'Etat et complique les relations entre la Turquie et l'Union européenne. Pourtant, ces calculs risquent de tourner court et, malgré leurs déclarations triomphalistes, les autorités turques sont placées devant un dilemme.

Soit elles se contentent d'un procès expéditif dans le cadre d'une juridiction d'exception. Comme l'a déclaré le premier ministre Bülent Ecevit, "les crimes de la direction du PKK sont bien connus", et donc on peut aller vite. La sentence sera alors la mort. Certes, Ankara se débarrasse ainsi d'un ennemi, mais elle en fait un martyr dont l'image continuera de longues années de mobiliser les communautés kurdes à travers l'Europe et le monde. D'autre part, l'on peut supposer (et espérer !) qu'un procès bâclé entraînerait des réactions négatives des Quinze - peut-être prendraient-ils même quelques mesures symboliques de rétorsion - et qu'il repousserait encore la perspective d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Soit l'armée consent à un procès équitable, en présence d'observateurs et des médias internationaux et l'ensemble de l'opération risque de se retourner contre ses instigateurs. Car s'il est incontestable que le PKK a eu recours au terrorisme, M. Öcalan se servira de la tribune pour dénoncer la "sale guerre" menée par les forces de l'ordre dans le sud-est du pays et qui mérite le qualificatif de terrorisme d'Etat : massacres, destruction de villages, déportations massives de population, sans parler de l'assassinat de centaines de cadres et d'intellectuels kurdes. On peut même envisager qu'une plainte soit déposée contre l'Etat turc devant la Cour pénale internationale qui verra bientôt le jour ...

Bien avant l'insurrection lancée par le PKK, il existait un problème kurde en Turquie et au Proche-Orient. La liquidation de M. Abdullah Öcalan ne le résoudra pas, pas plus que la nouvelle opération d'envergure menée par l'armée turque au Kurdistan irakien. Or la Turquie refuse de laisser le moindre espace politique aux Kurdes. Elle sait qu'elle bénéficie d'un soutien actif des Etats-Unis, qui ont besoin d'elle notamment pour leur stratégie anti-irakienne. Elle peut donc, impunément, arrêter plusieurs centaines de militants d'un parti légal, le Parti démocratique du peuple (Hadep), et accélérer la procédure visant à l'interdiction de cette formation. Faut-il s'étonner que de nombreux jeunes kurdes pensent que le terrorisme est la seule voie pour leur libération ?

La communauté internationale - et notamment les Quinze -, devrait s'en souvenir : après tout, à Rambouillet, elle a accepté que l'Armée de libération du Kosovo (UCK) participe aux négociations, alors même que de nombreux Etats dénoncent son terrorisme et ses velléités indépendantistes. Est-il si absurde de demander que les Kurdes soient consultés sur leur destin ?


ALAIN GRESH