Une fois de plus, des Palestiniens désespérés n'ont pas hésité à se donner la mort dans une ultime et incertaine tentative d'appeler l'attention de la communauté internationale sur le sort effroyable, le désespoir, l'humiliation au quotidien, la misère économique, mais aussi la conviction inébranlable du peuple palestinien qu'il doit faire valoir ses droits imprescriptibles.
Une fois encore, les médias occidentaux, les ministres et autres porte-parole des gouvernements, ont osé, je dis bien «osé» reprocher à Yasser Arafat les gestes perpétrés par des gens de son peuple, appartenant ou non à sa mouvance, mais ceux qui connaissent un peu la cause savent très bien que tous les Palestiniens, quelles que soient leurs convictions politiques ou religieuses, ne sauraient désavouer les actions de désespoir que le manque de culture géopololitique, l'ignorance (impardonnable quand on peut actuellement très bien s'informer sur ce qui se passe en Palestine en ce moment), le sentiment de culpabilité occidental vis-à-vis des juifs victimes de l'Holocauste, et que sais-je encore, ont amené des gens, probablement des jeunes, à sacrifier leur vie pour dire au monde que le peuple palestinien existe et qu'il veut vivre en paix. Des hommes mais aussi des épouses, des mères et des filles, de l'État d'Israël, pleurent leurs disparus. En septembre, en Cisjordanie et à Gaza, j'ai aussi rencontré des hommes et des femmes éplorés, écrasés de douleur mais nourrissant le timide espoir que le sacrifice de leur être aimé n'avait pas été vain.
À la manifestation d'hier soir à Paris, la presse a interviewé un jeune homme prénommé Laurent, qui a attiré l'attention sur les victimes des attentats qui resteraient handicapées à vie. Sait-il, ce jeune homme, que plus de 1.300 Palestiniens, en particulier des jeunes, ont été touchés par des balles israéliennes depuis le début de l'Intifada Al-Aqsa, balles non pas «perdues» comme d'aucuns ont cherché à nous le faire croire, mais délibérément tirées dans la tête ou dans la colonne vertébrale afin de réduire à l'immobilité et à l'incapacité de protester des êtres humains seulement désireux de faire valoir les droits que leur reconnaissent une foule de résolutions des Nations Unies, la IVe Convention de Genève, et autres textes dont on se demande vraiment si, à aucun moment, les signataires ont pensé aux conséquences de l'apposition de leur signature au bas des documents.
On ose encore nous parler d'une action mondiale contre le terrorisme! Va-t-on enfin faire la lumière sur l'action des États-Unis, touchés dans leur convition d'être les maîtres de la Planète à tous points de vue et dans leur fierté nationale par la destruction du symbole de leur puissance, principalement économique, mais avec eux, l'économie ne va pas sans l'idéologie... Encore faudrait-il se tenir informé de ce qui se passe dans le monde pour le savoir. Arrêtons cette mascarade, en Europe, à propos des soi-disant «risques» que courraient les institutions. Les attentats du 11 septembre - DONT ON NE SAIT ABSOLUMENT PAS QUI PEUT EN ÊTRE À L'ORIGINE - ont simplement montré que l'Occident n'est pas le maître du monde, qu'il lui faut compter avec d'autres individus, et d'autres idées qui ne sont pas forcément les siennes mais qui doivent être respectées.
Faute de quoi, on pourra librement instaurer une idéologie totalitaire mondiale (dont la création de tribunaux d'exception aux États-Unis pour juger de présumés «terroristes» dont les seules fautes sont d'être d'origine arabe et d'être arrivés sur le territoire dans les jours précédant le 11 septembre).
Aidez-moi à secouer l'intellect endormi de la communauté internationale. Sommes-nous des citoyens de nos pays, libres de leur pensée et de son expression, ou des carpettes?
J'interpelle principalement les décideurs, les médias, mais aussi quiconque est capable de réfléchir par soi-même et de protester contre la dictature de la pensée unique que l'on cherche à nous imposer.
S'agissant de la situation en Afghanistan, nul ne semble douter de l'utilité de l'action menée dans cette partie du monde! On (et quand je dis «on», je veux dire l'Occident et, avant tout, les États-Unis), cherche à protéger des intérêts pétroliers au cas où les pays du Golfe et l'Arabie Saoudite changeraient leur fusil d'épaule. (Notez bien que je n'ai pas dit «retourneraient leur veste»). On nous a déjà fait le coup au moment de la Guerre du Golfe. Alors, géopoliticiens et autres analystes gouvernementaux devant lesquels se déroule le tapis rouge, allez-vous enfin tirer des enseignements de l'Histoire ou bien, tels les écoliers français au cours de la période où l'Histoire leur était enseignée indépendamment de la chronologie, allez-vous tout mélanger dans un magma indescriptible qui vous empêchera de réagir et de vous prononcer contre (et non pas de bêler, avec certains, pour) la fin de la prise en otage de l'opinion internationale.
Ce soir, je pense à mes amis de Palestine, les uns un peu plus désespérés - j'y suis allée seule après le 11 septembre et je sais ce dont je parle - les autres un peu plus incapables de savoir où ils en sont, et, quant à ces derniers, de quelque bord qu'ils soient, de protester contre la politique menée actuellement par le Gouvernement Sharon dont le but était, d'emblée, de supprimer tout interlocuteur crédible côté palestinien et de se donner le beau rôle, en «luttant contre le terrorisme islamiste». Il n'a pas hésité à saisir «sa chance», Sharon, d'avoir eu les attentats du 11 septembre pour se présenter (dans le lot) en «victime», lui et son peuple. Cela ne vous donne-t-il pas à réfléchir?
Allons-nous longtemps continuer à laisser nos gouvernants et nos médias nous prendre pour des imbéciles?
Annie Coussemant, militante pour les droits imprescriptibles du peuple palestinien, lectrice et spectatrice des médias français, européens et européens, dotée d'un certain sens critique.