François XAVIER


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Soyons ensemble les bâtisseurs de la terre de nos enfants.

(Droit de réponse avec copie à l'ambassadeur d'Israël en France)

Son Excellence, l’ambassadeur d’Israël à Paris, s’est permis en date du 6 mai d’écrire un article (Le Monde du 5 mai 1999 daté du 6) équivoque quant à l’attitude de son pays vis-à-vis du processus de paix engagé avec les Palestiniens en particulier, et le Proche-Orient en général. Force m’est de constater qu’entendre une seule voix pourrait induire certains à penser que la voix d’Israël est la seule qui détient la vérité.
Loin s’en faut.
Il convient donc de corriger quelques erreurs et/ou omissions pour aider son excellence dans le juste et droit chemin de la lumière.

Il est en effet frappant de constater que l’article s’ouvre sur un décompte des morts côté israélien. Toujours ce sens de la mise en scène, de l’apitoiement sur son sort qui peut paraître déplacé, voire odieux quand on pense aux dizaines de milliers de morts du côté arabe, toutes tendances confondues.
Mais surtout, il semble vouloir donner bonne conscience à une politique brutale, à un Etat qui s’est toujours conçu dans la violence. Pour preuve l’assassinat en septembre 1948 du comte suédois Bernadotte, le médiateur envoyé par les Nations Unies. Sa mort a été commanditée et exécutée par l’Irgoun de monsieur Rabin pour l’empêcher de faire son rapport sur les déplacements de population civile. On connaît la suite : camps et bannissement de milliers de palestiniens, maisons et villages rayés de la carte.
Toute l’histoire d’Israël est ainsi pavée de faits criminels sans précédents : Sabra et Chatila (massacres de femmes, vieillards et enfants par les milices libanaises chrétiennes, les chiens enragés de Gemayel sous le regard bienveillant de Tsahal), Cana (pilonnage d’un camp de réfugiés sous contrôle de l’ONU), répressions sanglantes des enfants lors de l’Intifada, etc, etc.

Tournons-nous maintenant vers la vérité des faits établis, comme le soulignent les historiens israéliens (Avi Shlaïm, Ilan Pappe) : ce ne sont pas les Palestiniens qui refusent de créer leur état mais bien Israël et la Jordanie qui se sont alliés pour dépecer le territoire alloué aux Palestiniens : le 17 novembre 1947, Golda Meir et le roi Abdallah (assassiné quelque temps plus tard pour cette trahison odieuse) passent un accord pour se partager le territoire prévu pour l’Etat arabe palestinien avec l’aval de la Grande-Bretagne qui veut à tout prix empêcher sa naissance : celui-ci représente un foyer de subversion et de remise en cause globale de son influence au Proche-Orient.

Monsieur l’ambassadeur, vous posez la question de savoir si les Palestiniens veulent la paix. Que dire des marches arrières successives de votre Premier ministre, des ses colonisations répétées en violation des accords de Wye River qui vous semblent si importants de protéger et de mettre en application ?
Mais pour répondre à votre question, OUI, les Palestiniens veulent la paix.
Ce qui n’est pas le cas d’Israël depuis toujours, semble-t-il. Loin de la voix officielle il convient de regarder les faits : la Conférence de Lausanne voit Israël signer un protocole qui réaffirme le plan de partage ... uniquement pour être admis comme membre des Nations-Unies. Une fois signé tout est enterré. Les mains tendues par les pays arabes, les termes de l’accord, les propositions du président syrien Zaïm, etc.

Mais le plus grave est qu’Israël a bel et bien mis sur pied un plan d’expulsion des populations palestiniennes. Tout d’abord il n’y a jamais eu d’appel de la direction nationale palestinienne à quitter le territoire sous contrôle juif. Par contre, dès juillet 1948, Israël se livre à une expulsion systématique : en trois jours 70 000 Palestiniens sont contraints à fuir manu militari Lydda et Ramleh, etc.. Puis s’ajoute la confiscation des biens organisée par le Comité du transfert sous le gouvernement Ben Gourion.

Tous ces faits sont vérifiables et connus de tous en Israël puisque publiés par des universitaires israéliens, il convient donc de lever la censure sur ces travaux monsieur l’ambassadeur, pour que l’Occident sache aussi la vérité, car si vous voulez réellement la paix seule la recherche de la vérité peut y aboutir.
Vous citez également une pléthore de résolutions du Conseil de Sécurité que la plupart des lecteurs ne connaissent pas.
Permettez-moi de vous répondre par les résolutions 73 (11 août 1949), 89 (17 novembre 1950), 93 (18 mai 1951), 237 (14 juin 1967), etc. toutes liées au droit du retour. Vous constaterez par vous-même que ce discours est stérile.

Je n’ose vous parler de la 425 que vous citez et de la présence de Tsahal au Liban-Sud en désaccord complet avec ce que vous avancez.

Assez de querelles de mots, assez de politique politicienne, assez de morts.
Ni bons ni mauvais, ni vainqueurs ni vaincus. Seulement deux peuples qui aspirent à vivre en paix : le temps de la propagande est définitivement dépassé car les techniques de l’information et des communications ont évolué.
Plus de mensonges, donc, monsieur l’ambassadeur, ou de demi vérités.
Ce n’est pas en jetant l’opprobre sur son voisin que l’on instaure un dialogue constructif. Loin s’en faut.

Ne pensez-vous pas plutôt qu’il serait temps de sceller ce que l’on nomme la paix des braves, de se projeter dans un futur constructif basé sur des échanges culturels et commerciaux entre les différents états de la région plutôt que de continuer en vain une lutte fratricide qui tôt ou tard, au-delà des clivages politiques et religieux, des morts inutiles, aboutira indubitablement à la mise en place d’un Etat de Palestine ?
Puisque l’Histoire avance, soyons ensemble les bâtisseurs de la terre de nos enfants plutôt que les fossoyeurs des idéaux de nos aïeux.
Construisons le Proche-Orient de demain sans jamais oublier que nous ne sommes que les locataires de cette terre qui appartient déjà à nos descendants.