Auteur de plusieurs ouvrages dont “De l’Orient à L’amour”, préfacé par Salah Stétié, qui a reçu le prix Théophile Gautier de l’Académie française en 1999, François Xavier a consacré en co-écriture, avec Nelly Khoury, un dossier spécial dédié à Nadia Tuéni dans la “Revue littéraire”. Depuis septembre 2000, il dirige la collection “Esquilles” des éditions IdLivre, dont le but est de promouvoir les auteurs francophones, ainsi que d’établir un dialogue entre les cultures et, surtout, de rejeter une hégémonie culturelle où la pensée unique serait reine.

Mahmoud Darwich, un poète palestinien engagé.

La collection “Esquilles” met pour cela en valeur le désir de rassembler les peuples par la lecture. L’idée essentielle que défend cette maison d’édition est de mieux comprendre les aspirations de chacun de nous, d’ouvrir les horizons et de donner libre cours aux témoignages.
Bercé depuis sa naissance par l’odeur des oliviers et de thym du Sud de la France, l’auteur était prédisposé à saisir toutes les émotions que dégage le bassin méditerranéen. Il pose un regard fraternel sur toutes les rives d’une mer dont les vagues ont brassé de nombreux échanges entre les peuples: “Je suis un homme du Sud, de la Provence et lorsque je me promène dans le Chouf libanais, dans la campagne palestinienne ou dans les vergers grecs ou italiens, j’ai la même émotion, les mêmes sons, les mêmes odeurs; je me sens chez moi. Par contre, je ne ressens rien dans les fjords. C’est la latitude qui veut cela, nous sommes réceptifs aux odeurs, sons et couleurs... Nous sommes méditerranéens, c’est une “race” comme les nordiques. En toute logique, nous nous retrouvons sur des valeurs communes. Ainsi, j’ai eu le désir d’approfondir ma connaissance de la culture arabe qui, bien avant les Grecs et les Romains, a marqué notre société contemporaine”.

Le poète
Sa quête autour de la Méditerranée l’a conduit à s’intéresser à l’œuvre de l’un des plus grands poètes arabes contemporains et à publier le premier livre, en français, sur Mahmoud Darwich. Cette remarquable étude: “Mahmoud Darwich et la nouvelle Andalousie” (éditions IdLivre, Paris), est un hommage à la poésie “qui cherche toujours à faire naître en l’homme ce qu’il a de mieux”, François Xavier nous fait découvrir l’amour de la poésie, cette expression exceptionnelle par laquelle l’homme manifeste ses sentiments les plus profonds et les plus confus. Il met en exergue la révolte qui s’exprime dans la poésie de Mahmoud Darwich d’une manière tendre et douce, voire chantante et la présence de l’amour, malgré les souffrances de son peuple. Ce cri semble une douleur cachée qui s’accroche à nos pensées. L’œuvre de Darwich, remarquablement traduite en français par Elias Sambar, bouleverse les émotions: “Même si vous ne connaissez pas l’arabe, en l’écoutant psalmodier ses poèmes, vous vibrez avec lui; c’est toute la magie de la langue arabe et de l’humanisme qui émane du poète”.
L’auteur présente la poésie de Darwich comme purificatrice, développe le lien qui existe entre le lyrisme du poète engagé et la politique qui le dérange, notamment celle révélée par son poème “Identité”. Ce sentiment d’étranger “le poursuit partout, même en terre de Palestine. Comme son désir d’approfondir les réalités et les cruautés de la vie et, particulièrement, la pensée de son ennemi; il apprend pour cela l’hébreu, moyen de lire et de comprendre l’esprit de cet autre qui le persécute malgré la main tendue d’un être épris de justice.
François Xavier dépeint “le portrait d’un humaniste, dernier Mohican face au monde unique, qui prône le dialogue des cultures pour faire taire le son du canon, œuvre pour la justice et le retour de la colombe sur les terres ensanglantées d’un Orient meurtri.” A la haine et la persécution, le poète oppose le dialogue fécond entre les vieilles civilisations qui ont vu le jour en Méditerranée. Pourquoi un tel dialogue ne conduirait-il pas à une nouvelle Andalousie ?

Le militant de la Palestine
Malgré son retour aux poèmes d’amour traditionnels, Mahmoud Darwich incarne, avant tout, le poète militant qui défend le droit de son peuple opprimé. L’engagement politique reste indissociable de l’œuvre poétique, parce que le rôle du poète est de témoigner pour la vérité et pour son peuple persécuté.
François Xavier observe que le peuple palestinien subit, aujourd’hui, les hostilités d’une politique hégémonique; la situation dramatique dans laquelle il se trouve devrait nous faire réagir dans le bon sens et non en fermant les yeux, pire encore, en faisant croire que le monde arabe ne représente qu’un bastion de terroristes.
Le peuple palestinien se défend avec ses propres moyens, bien souvent avec les armes du pauvre, c’est-à-dire la pierre mais une fois acculé, il n’hésite pas à sacrifier sa propre vie en se transformant en bombe humaine. C’est un acte de résistance poussé par le sentiment de désespoir et d’abandon. Ce n’est, certes, pas le fanatisme qui motive ses jeunes, l’Histoire de cette région du monde est celle de la tolérance, tous les philosophes arabes l’ont clamé haut et fort, cela revient à dire que les fondamentalistes qui agissent aujourd’hui, n’ont rien à voir avec leur propre Histoire, encore moins avec l’Islam. Bien au contraire, ils ne font que desservir la cause du monde arabe. Dans ses poèmes, Mahmoud Darwich crie sa peine et sa soif de justice. “J’ai donc voulu transmettre à travers mon analyse littéraire un message pour expliquer qui sont ces Arabes qu’on diabolise à tort”.
François Xavier et Mahmoud Darwich se retrouveront à Beyrouth, le 17 septembre, à l’occasion de la commémoration du massacre de Sabra et Chatila.

No 3860 - Du 31 Août Au 7 Septembre 2002